En fait je n’en sais rien, car ce que je montre surgit sous la main sans que je n’en aie vraiment le projet. Certes, à là naissance de la toile existe une vague intention, dessiner une montagne, un visage, un arbre qui se transformeront lorsque je rencontrerai taches, mouvements inconscients de la main… Là se trouvera une succession baroque d’incidents et d’accidents imprégnés du désir insensé de faire naître de la beauté. Aussi ce que je souhaite que tu me demande c’est de parler de tout ce qui en moi dans cet amas inextricable qui loge dans ma tête produit de la peinture J’aurais du mal à te répondre.
L’imprévu est la matrice de l’œuvre, de là mon incompréhension de la peinture conceptuelle qui inverse ces notions. Certes dans les méandres de notre cerveau, gisent des concepts mais qui forment et déforment les sensations dans des zones qu’il ne faut peut-être pas explorer de peur de modifier la geste instinctive. Le poème est dans ce même nid. Mais confronté au monde des mots, dans leur rôle dans les jours de notre vie. Et c’est un long travail que de laisser monter de nous dans leur jet primitif.
Oui l’ensemble de mon travail est un autoportrait : car je ne peux m’empêcher d’être moi même, mais je triche souvent : je me rêve autre : un sauvage sculptant sa grotte, un moine peignant un manuscrit.
Oui mon œuvre est et sera en cours. Je ne veux pas m’arrêter de découvrir, de revenir à des essais anciens, de tenter de brusques sauts vers un inconnu qui s’évade. Sans cesse je tente de m’évader du littéraire. Je tente de laisser couler les mots comme un ru, comme sur le blanc des cailloux des formes esquissées, des ombres de corps nus sous des arbres bleutés.