En fait je n’en sais rien, car ce que je montre surgit sous la main
sans que je n’en aie vraiment le projet.
Certes, à là naissance de la toile existe une vague intention,
dessiner une montagne, un visage, un arbre
qui se transformeront lorsque je rencontrerai taches,
mouvements inconscients de la main…
Là se trouvera une succession baroque d’incidents et d’accidents
imprégnés du désir insensé de faire naître de la beauté.
Aussi ce que je souhaite que tu me demande
c’est de parler de tout ce qui en moi dans cet amas inextricable
qui loge dans ma tête produit de la peinture
J’aurais du mal à te répondre.

L’imprévu est la matrice de l’œuvre,
de là mon incompréhension de la peinture conceptuelle qui inverse ces notions.
Certes dans les méandres de notre cerveau, gisent des concepts
mais qui forment et déforment les sensations
dans des zones qu’il ne faut peut-être pas explorer
de peur de modifier la geste instinctive.
Le poème est dans ce même nid. Mais confronté au monde des mots,
dans leur rôle dans les jours de notre vie.
Et c’est un long travail que de laisser monter de nous dans leur jet primitif.

Oui l’ensemble
de mon travail
est un autoportrait :
car je ne peux m’empêcher
d’être moi même,
mais je triche souvent :
je me rêve autre :
un sauvage sculptant
sa grotte,
un moine peignant
un manuscrit.

Oui mon œuvre est et sera en cours.
Je ne veux pas m’arrêter de découvrir,
de revenir à des essais anciens,
de tenter de brusques sauts
vers un inconnu qui s’évade.
Sans cesse je tente de m’évader du littéraire.
Je tente de laisser couler les mots comme un ru,
comme sur le blanc des cailloux
des formes esquissées, des ombres de corps nus
sous des arbres bleutés.